MOIRAX & JOINVILLE

Quand les territoires impliquent leurs citoyens pour redonner ses lettres de noblesse au patrimoine

À chaque commune ses monuments patrimoniaux qui forgent son caractère et sa renommée. Que ce soit une abbaye, un pont, un rempart, un moulin… la responsabilité de l’entretien revient souvent aux communes. Certaines, comme Moirax (Lot-et-Garonne) et Joinville (Haute-Marne) font le pari de partager cette responsabilité avec des citoyens passionnés et engagés.

  • À Moirax, la commune organise des « citoyennades » pour impliquer des habitants et amis de la commune dans des travaux de rénovation des remparts ou encore dans des travaux de jardinage
  • À Joinville, les « Zinzins du patrimoine » multiplient les rénovations de façades traditionnelles et ont réussi à transformer une ville grise et moribonde en « petite Venise » de Haute-Marne en moins de dix ans

Nul besoin de parcourir la France en voiture comme nous le faisons depuis plus d’un an et demi pour se rendre compte de la richesse et de la diversité du patrimoine de la France qui compte plus de 45.000 monuments historiques dont 55,82 % appartiennent aux communes (contre 5,67 % à l’État). On oublie souvent que le « chantier patrimoine » est bien plus large. Les sites et monuments patrimoniaux sont partout dans le paysage des églises aux moulins, des remparts aux fontaines. Les communes ne peuvent à elles seules en supporter la charge et redoublent d’ingéniosité pour que leurs joyaux ne tombent ni en désuétude ni dans l’oubli. Voici deux récits de communes et leur « truc qui marche ».

Moirax et ses Citoyennades

C’est par la D268 que nous arrivons à Moirax où le Prieuré surplombe les côteaux et la magnifique abbaye clunisienne, l’une des premières construites au sud de la Garonne. Henri Tandonnet, maire de Moirax depuis 1983 nous attend dans sa mairie située à deux de ces deux édifices pour nous parler de quarante années d’engagement pour sa commune.

Le prieuré de Moirax au centre du village

Lorsqu’il a été élu en 1983, Henri Tandonnet est alors un jeune avocat qui souhaite s’engager sur le temps long pour son territoire. Comme il le dit si bien, « pas de développement durable sans élu durable ». L’une de ses premières missions a été de redonner vie à un village qui perdait chaque année des habitants et qui ne possédait plus de commerce. Grâce à l’acquisition de plusieurs bâtiments et des politiques incitatives pour l’installation d’une épicerie, d’un restaurant… le petit village de Lot-et-Garonne a réussi son pari et met tout en œuvre pour que les jeunes s’installent grâce au dispositif Apprentoit, ces logements pour apprentis dans les centres-bourgs du département.  

Le renouveau de cette commune de l’Agenais passe aussi par l’importance donnée à la préservation et la mise en valeur du patrimoine qui en fait aujourd’hui l’un des plus jolis villages de la Gascogne. Le maire a eu l’idée il y a quelques années de faire appel à de jeunes volontaires venus du monde entier pour les « chantiers internationaux » organisés par l’association Concordia. Ces bénévoles venus des quatre coins du monde ont restauré des murs et ont pu passer du temps avec les habitants venus donner un coup de main. « Lorsque les habitants ont vu débarquer des personnes du monde entier pour réaliser des travaux sur le patrimoine de leur commune, il y a eu des réactions, raconte Henri Tandonnet. Les gens ont voulu eux aussi s’impliquer et participer. C’est comme ça que nous avons créé les Citoyennades ».

Plusieurs weekends dans l’année, des habitants de tous âges se réunissent pour réaliser des chantiers de rénovation du patrimoine local ou encore de jardinage. « Les artisans du coin viennent prêter main forte pour transmettre leur savoir-faire, c’est toujours très convivial. » Sud-Ouest oblige, les journées sont ponctuées de quelques pauses pour « casser la graine ». Sacha et Olga, deux Ukrainiens réfugiés, sarclent, désherbent avec d’autres bénévoles et s’intègrent ainsi pleinement à la vie du village. Les chantiers impliquent même des écoles comme les lycées agricoles de Nérac et de Clairac dont les élèves ont restauré le jardin du cloître. Depuis quelques années, les Citoyennades sont un vrai truc qui marche qui n’est pas sans rappeler une autre initiative à l’autre bout de la France… en Haute-Marne.

À la rencontre des « Zinzins du patrimoine » de Joinville

Quelques semaines après notre passage dans le Lot-et-Garonne, c’est à l’autre bout de la France que nous nous rendons sur les invitations de Quentin Brière, le maire de Saint-Dizier qui a lancé l’initiative La Beauté Sauvera le Monde et de Théo Caviezel, un jeune homme dévoué pour la Haute-Marne. Première étape à Joinville pour une visite de la ville avec Noomane, propriétaire du Couvent des Annonciades Célestes, un prieuré de bénédictines appelé Notre-Dame de la Pitié racheté en 1840 par une congrégation de sœurs annonciades célestes avant de tomber progressivement en déclin.

Sur les économies personnelles et le soutien financier d’amis et d’institutions, Noomane et Anthony portent le projet de restaurer cet édifice sur le temps long. « Sauver un lieu parce qu’il est beau est un projet honorable. Lui redonner vie dans la durée est un vrai défi et c’est celui que nous voulons relever. » Nos deux ambassadeurs de Joinville ne s’arrêtent pas à la seule mission de leur couvent, ils sont à l’origine avec des amis du renouveau de Joinville. Cette cité qui abrite un patrimoine exceptionnel (hôtels particuliers, maisons de la Renaissance à la Belle Époque, église médiévale…) a souffert de la crise économique importante qui a frappé la Haute-Marne dans les années 1970-1980.

La ville mène depuis 2010 une politique ultra-ambitieuse de « Reconquête » de son centre-ville et s’appuie largement sur l’implication des habitants. À titre d’exemple, une campagne de ravalement des façades avec une aide minimale de 40% du montant des travaux a été mise en place. C’est là qu’interviennent les « Zinzins du Patrimoine », un groupe d’amis bénévoles qui œuvrent à la restauration des façades à partir de matériaux traditionnels comme la chaux et la peinture à la farine une fois les ravalements opérés par des artisans.

La commune achète également les immeubles à l’issue de certaines procédures afin, soit de les restaurer de manière exemplaire, soit de trouver des porteurs de projets qui souhaitent mener les travaux. C’est ainsi qu’ont pu être rénovés l’Hôtel Leclerc et la Maison Valdruche. Désormais « Petite Cité de Caractère », Joinville se fait appeler « la petite Venise ». Et pourtant, Joinville a subi les massacres à l’enduit et des décennies de marasme. D’après Noomane, c’était l’une des communes de France où les gens se suicidaient le plus. Comme le dit Noomane « et encore les chiffres auraient été bien plus élevés s’ils avaient pu se suicider deux fois ».

La transformation de Joinville est loin d’être terminée, en témoignent les nombreux échafaudages présents dans la ville. D’ores et déjà, le pari semble réussi avec un engouement passionné des habitants pour leur patrimoine, l’ouverture d’une dizaine de commerces et l’arrivée de touristes qui apportent encore un peu plus de dynamisme. Grâce à son patrimoine rénové, Joinville a retrouvé sa place sur la carte de Haute-Marne et sur la carte de France. Habitants, emparez-vous de votre patrimoine !

Par Raphaël

ÇA MARCHE AUSSI…

blog-bottom-image

NOS DERNIERS PÉRIPLES

news

INSCRIPTION À LA NEWSLETTER

Pour recevoir la newsletter de la Fédération des Trucs qui Marchent, merci de renseigner votre mail ci-dessous :